Mercredi 20 décembre 2023
Je réalise que ça fait exactement un mois que je ne suis pas allé au Louvre. Ces dernières semaines ont été assez intenses, entre mes déplacements en France et à l'étranger. J'ai notamment eu la chance de visiter les magnifiques mosaïques des édifices religieux à Ravenne lors du Festival de Ravenne. Je suis resté ébahi devant ces œuvres du Ve siècle, utilisant l'or avec une subtilité admirable. En revanche, j'ai été moins impressionné par les mosaïques du XVIIIe siècle, moins bien entretenues et cachées derrière les murs peu attrayants. Mais derrière cette apparence austère se cache une richesse artistique époustouflante, un art d'une finesse incomparable.
Lors de ma visite, j'ai été frappé par la modernité des formes et des couleurs des décorations des voûtes du mausolée de Gallia Placidia. En discutant avec une collègue allemande habituée de Ravenne depuis son enfance, j'ai découvert que les représentations de la passion dans l'église Saint-Apollinaire ne font aucune mention des souffrances du Christ, ce qui m'a semblé assez étonnant. Cette révélation m'a donné envie de plonger davantage dans la théologie pour mieux en saisir les subtilités riches et complexes.
La théologie, bien que parfois perçue comme une réflexion sur des questions abstraites et inutiles, suscite pourtant des débats passionnés et parfois violents. Elle attire aussi bien les religieux que les historiens, malgré son caractère non scientifique et souvent considéré comme un loisir bourgeois et intellectuel. Mais n'est-ce pas là le propre de l'art également ? Une discipline qui, bien que non scientifique, suscite des passions et des débats ardents.
Aujourd'hui, j'espère pouvoir poursuivre ma visite des peintures françaises de l'aile Sully, qui était malheureusement fermée lors de ma dernière visite. Le trajet en bus est toujours long et monotone, mais je suis heureux de retrouver progressivement le soleil à mesure que nous approchons de Paris.
En m'attardant devant un portrait de deux jeunes filles par Renoir, je me suis rappelé l'avoir vu plusieurs fois chez mes grands-parents, dans leur ancienne maison du Nord. J'ai été ému de faire le lien avec mon enfance et les moments partagés avec ma famille. Un peu plus loin, le portrait de Canova m'a également captivé par la vie qui émane de ses couleurs vibrantes et de la technique subtile de l'artiste.
Alors que je traverse rapidement les paysages de campagne et les œuvres de Delacroix, je suis arrêté par un autre tableau qui attire mon attention. L'homme représenté me fixe droit dans les yeux, et je peine à déchiffrer son expression. Est-il sévère, interrogateur, juge ou complice ? Je finis par penser qu'il est intimidé mais essaie de dissimuler ses émotions. Son visage fin, ses grands yeux et ses cheveux courts trahissent une jeunesse qui aurait pu être insouciante, mais la raison et le sérieux semblent l'avoir emporté.
Je passe rapidement devant le portrait d'Élisabeth Vigée-Lebrun avec sa fille, puis devant l'immense tableau de la Pentecôte de Jean de Restout, qui m'étonne par la violence de ses flammes illuminant les apôtres.
Arrivé devant le Déjeuner de chasse de Jean François de Troyes, je suis séduit par la vie qui émane de cette scène conviviale. Les personnages semblent partager un moment de détente après une partie de chasse, et l'équilibre de la composition est remarquable.
Enfin, je m'arrête devant le callipyge Caron passant les ombres de Pierre Subleyras, touché par sa poésie, puis devant Les Deux Cousines de Watteau, dont la légèreté et la grâce me transportent.
En comparant deux versions de l'Adoration des Bergers de Charles Lebrun, je suis frappé par la différence d'interprétation entre celle dédiée à sa femme et celle peinte pour Louis XIV. La première semble particulièrement touchante, voire mystique.
Je termine ma visite en traversant rapidement les œuvres d'Alexandre le Grand, étonné par la petitesse de Darius sur son immense char et par la capacité de l'art à sublimer les horreurs de la guerre et de la mort.
En repensant à ma rencontre avec le tableau La Tabagie de Le Nain, je réalise à quel point chaque détail et chaque regard peuvent susciter des émotions et des interrogations. 
