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Lundi 20 novembre 2023

Après un beau concert de musique de chambre dans le Grand salon des Invalides, sous le regard étonnamment bienveillant d’un grand portrait du Roi Soleil, je chemine derrière l’Assemblée Nationale, traverse la Seine jusqu’à la place de la Concorde pour rejoindre le jardin des Tuileries et finit par entrer par le Porte des lions. L’absence de visiteurs rend cet accès encore plus aisé que via l’accès réservé aux Amis du Louvre.

Fête musicale donnée par le cardinal de La Rochefoucauld au théâtre Argentina à Rome, le 15 juillet 1747, à l’occasion du mariage du Dauphin, fils de Louis XV, avec Marie-Josèphe de Saxe / Giovanni Paolo Panini – salle 713

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Description générée automatiquementJe m’arrête devant quelques grands tableaux de la Piazzetta, dont celui qui fut commandé à l’occasion du mariage de Louis-Ferdinand de France. Il est amusant de voir cette perspective inversée de ce théâtre à l’italienne, véritablement en fer à cheval. En observant les plans du théâtre Argentina, on se rend bien compte que ce n’est pas un effet recherché du peintre ; les loges proches de la scène sont davantage tournées vers la salle. Le Dauphin, assis aux côtés de sa jeune épouse, est placé sur le plateau et est au centre même du spectacle. Ou est-il aux premières loges du spectacle qu’est la foule de courtisans. Celle-ci festoient sagement devant ces dizaines de musiciens qui, au milieu d’un gigantesque décor céleste, sont comme une armée d’anges. Acteurs et spectateurs se confondent. L’admirateur que je suis, devant ces loges qui semblent tournées vers moi plutôt que vers leur prince, est peut-être le véritable centre de cette mise en scène. Pourquoi ? Mon regard contemporain redonne-t-il vie à cet évènement du passé ? Est-ce pour cela que je me sens l’élément central de ce tableau ?

Portrait d’un vieillard et d’un jeune garçon / Domenico Ghirlandaio – Grande galerie

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Description générée automatiquementJe poursuis ma modeste réflexion existentielle et artistique, sans réponse, en déambulant dans la Galerie du bord de l’eau. Pas trop vite mais surtout pas trop lentement. Je ne voudrais pas trop me mêler à cette foule de visiteurs errants et las… La peinture italienne ne me passionne que trop peu. Je la trouve peu expressive et sombre. Elle me paraît surtout prétexte à des exercices techniques de représentations de paysages et d’études du corps, encore balbutiantes. J’oublie pourtant que la plupart de ces œuvres date du XVe siècle. Elles sont alors manifestes d’une grande modernité et d’une expressivité débordante. Heureusement que nous sommes nombreux et que nos regards diffèrent. Combien d’œuvres majeures disparaîtraient si j’en était le seul animateur, le seul à leur redonner une âme vibrante ?

La foule est certes moins dense que lors des vacances ; elle n’en reste pas moins présente, remplie de visiteurs étrangers. Comme souvent, je me réfugie dans les salles de la galerie Campana. Je m’étonne presque d’y croiser tant de touristes ; ils doivent être perdus ou – ce qui est bien plus probable – particulièrement fatigués. Je crains que les peintures françaises du XVIIIe siècle ne soient accessible. Je me résous tout de même à quitter ma confortable table d’étude de la salle 357pour monter le petit escalier qui me mène au département des peintures.

Peintures françaises du XIXe

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Description générée automatiquementLes salles de l’aile Sully sont peut-être fermées, celles ce l’aile Denon ne le sont pas. Je me laisse alors attirer par La malédiction paternelle. Le Fils ingrat. de Jean-Baptiste Greuze. Cette scène est étonnante, avec toute une famille paniquée par la réaction d’un père furieux, chacun cherchant à protéger l’aîné qui semble ne pas comprendre ce qu’il lui arrive.

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Description générée automatiquementComme de nombreux jeunes visiteurs, je suis fort amusé du Portrait de l’artiste sous les traits d’un moqueur de Joseph Ducreux (salle 933). Mais mon regard dérive immédiatement sur le tableau voisin. Il s’agit de Madame Vigée-Le Brun et sa fille, Jeanne-Lucie-Louise, dite Julie peint par Louise-Elisabeth Vigée-Le Brun en personne. Ce tableau est non seulement absolument admirable par sa technique parfaite, il est sublime par l’émotion profonde qu’il s’en dégage. Cette tendresse maternelle est particulièrement émouvante. Il est étonnant que ce chef-d’œuvre ne soit davantage connu. Elles sont toutes deux si belles. Je resterais des heures à contempler cette scène à laquelle on se sent invité. Loin d’être voyeur, le visiteur est comme appelé à partager ce moment d’intimité, de tendresse et d’amour. Je m’émerveille aussi devant les tissus et les textures de Madame Molé-Reymond, de la Comédie italienne dont le portrait semble plus vivant que le pourrait n’importe quelle photographie.

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Description générée automatiquementEn face, un autre tableau, très différent, m’appelle : c’est La nuit : un port au clair de lune de Vernet. La dualité des lumières, froide de la lune et chaude du feu, révèle toute la beauté de la nuit et de la mer.

Vivant Denon

Dans la petite salle 937, je fais l’hasardeuse rencontre avec le tout premier directeur du musée qui deviendra celui du Louvre et dont l’aile sud (la plus visitée) porte le nom, Vivant Denon. Dans le tableau Vivant Denon remettant dans leurs tombeaux les restes du Cid & de Chimène d’Adolphe Roehn, on est touché de le voir à l’œuvre, manifeste modeste de sa volonté de conservation et de respect des œuvres et de l’histoire. C’est son portrait Le baron Vivant Denon que l’on peut admirer dans la salle voisin (936), peint par Pierre-Paul Prud’hon. Le conservateur ne peut cacher la vivacité de son esprit et une certaine sympathie qui n’enlève rien à son prestige d’avoir marqué les tous débuts du plus beau musée du monde. Je me laisse brièvement émouvoir par les peintures de Le Bailly, au détour de la salle 938, et continue mon chemin à travers l’histoire de la peinture française.

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Description générée automatiquementL’œuvre de Delacroix ne m’émeut pas autant que son nom le suggère. Je m’arrête toutefois devant deux de ses œuvres : Chopin et son Portrait de l’artiste (autoportrait dit au gilet vert). Si Chopin paraît chétif, voire malade, et Delacroix se montre élégant et fier dans sa plus belle jeunesse, les regards des deux portraits captivent.

La salle 946 montre l’étonnant Magdalena-Bay, vue prise de la presqu'île des Tombeaux, au nord du Spitzberg; effet d'aurore boréale de François Biard, saisissant et glaçant par son sujet et sa beauté. A sa droite, le cri déchirant de cet enfant devant le meurtre de son père, victime de la Saint-Barthélemy. Cette Scène de la Saint-Barthélemy de Joseph-Nicolas Robert Fleury rappelle de sombres actes tristement récents, où haine et barbarie détruisent les fragiles fondements de la paix et du bonheur.

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Description générée automatiquementUne image contenant peinture, personne, chien, homme

Description générée automatiquementAussi transporté par ces superbes œuvres que par les émotions qu’elles véhiculent, je me sens repus et décide de repartir. Je reviendrai.

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