La rencontre de Haydn, le philosophe, et de Raphaël Pidoux, le sensible

Sagesse et jeunesse de la musique de Haydn

Après une première jeunesse difficile, Franz Joseph Haydn (1732-1802) trouve enfin une situation professionnelle réellement stable au service du prince Esterhazy en 1761. Il avait ainsi à sa disposition un petit orchestre composé d’excellents musiciens, dont le violoncelliste Jospeh Weigl. Haydn lui compose en 1762 son premier Concerto pour violoncelle. Deux ans plus tard, il compose sa Symphonie n°22. Bien que le compositeur autrichien ait « inventer » le genre de la symphonie, celle-ci présente une structure toute particulière : le premier mouvement, au lieu d’être un joyeux allegro, est une longue introduction adagio méditative. Cette atmosphère apaisée et réfléchie, confrontant l’homme face à l’immensité des harmonies et du cosmos, vaut le surnom de la symphonie : « Le Philosophe ». L’œuvre est ainsi toute choisie pour ce premier concert de l’après-midi du premier week-end du Festival d’Ambronay, dont la programmation est construite autour du troisième volet du triptyque Vibrations : Cosmos.

Le festival accueille pour ce concert le Jeune orchestre de l’Abbaye, en résidence à l’Abbaye aux Dames de Saintes, véritable cousin de l’Académie baroque européenne d’Ambronay. Les jeunes musiciens, qui perfectionnent leur interprétation sur instruments anciens, accompagnent leur directeur artistique, le violoncelliste Raphaël Pidoux, dans ce programme dédié à ces œuvres du jeune Haydn. L’Andante du Concerto pour violoncelle en la mineur de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) fait office de transition entre la sereine symphonie et le fougueux concerto de Haydn.

L’Adagio de la Symphonie n°22 débute par un dialogue sage en choral entre les deux cors et les deux hautbois, tandis que les basses déroulent une mélodie imperturbable, régulière et stable. Les violons semblent commenter ce choral en faisant évoluer l’harmonie, créant une atmosphère toute particulière, quasi irréelle. La direction musicale de ce mouvement, assez statique, n’est certainement pas évidente à faire vivre. L’orchestre, sans chef, réussi toutefois à ne pas laisser l’auditeur tomber dans l’ennui en impulsant régulièrement une énergie équilibrée, que l’on retrouve un peu plus fougueuse dans le mouvement suivant Presto. Les intentions des instrumentistes s’y montrent contrastées et parfois même taquines. Après la sage danse du Menuetto, le Presto clôt la symphonie dans une ambiance cynégétique, entre la frénésie des archets des violons et les appels sautillants des cors.

Raphaël Pidoux se place ensuite sur le devant de la scène pour le mouvement lent du Concerto pour violoncelle de C.P.E. Bach. Après la sombre introduction de l’orchestre, le violoncelliste montre sa fine maîtrise du son de son instrument, un Goffredo Cappa de 1680 : jouant souvent sul ponte (tout proche du chevalet), les notes sont riches en harmoniques, aidant la projection du son et produisant un son tendu, idéal pour interpréter ce beau chant désespéré. Le discours change radicalement avec le premier mouvement Moderato du Concerto pour violoncelle de Haydn : le violoncelliste y fait entendre un discours franc et décidé, exhortant fréquemment ses jeunes musiciens à tenir un tempo allant et énergique. S’ils y parviennent sans soucis lors des tutti, ils semblent cependant perdre un peu en légèreté lors des parties concerti. Le deuxième mouvement Adagio ne manque assurément pas de caractère. Raphaël Pidoux propose une interprétation qui lui est personnelle et assumée, toujours au service de la mélodie. L’interprétation en est très convaincante. La cohérence globale de l’approche de l’œuvre amène intelligemment l’auditeur au vif et emporté Finale, qui mérite les chaleureux applaudissements du public.

En bis, Raphaël Pidoux offre une superbe interprétation de la Sarabande de la Suite n°2 en ré mineur de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), introspective et au phrasé parfaitement maîtrisé.

Programme

Franz Joseph Haydn (1732-1802)

Symphonie n°22 en mi bémol majeur Hob. I :22 « Le Philosophe »

Adagio – Presto – Menuetto – Finale, Presto

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)

Concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur Wq.170

Andante

Franz Joseph Haydn (1732-1802)

Concerto pour violoncelle et orchestre en do majeur Hob. VII :1

Moderato – Adagio – Finale, Allegro Molto

Distribution

Jeune orchestre de l’Abbaye aux Dames de Saintes

Raphaël Pidoux violoncelle & direction artistique

Kinga Ujszaszi violon solo

Clara Ahsbahs, Joanna Aksnowicz, Eleonore Aubel, Maria del Mar Castano Duque, Paulo Castrillo violons 1

Camille Aubree, Carine Beuchot, Alban Cellier, Hadrien Delmotte, Juhyun Lee violons 2

Alice Bordarier, Maialen Loth, Paloma Perez Garcia, Cecile Ross altos

Albéric Boullenois, Amandine Menuge, Nicolas Verhoeven violoncelles

Adrien Alix, Agustin Orcha Mata contrebasses

Claudia Anichini, Claire Thomas hautbois

Nina Daigremont, Gérard Serrano Garcia cors

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