Vanda de Lionel Ginoux

Le tendre et cruel opéra de chambre "Vanda" de Lionel Ginoux à Avignon

L’Opéra Grand Avignon invite son public à découvrir une œuvre contemporaine et intense dans un format inhabituel en proposant le second opéra de chambre du jeune compositeur Lionel Ginoux, Vanda.

Le compositeur Lionel Ginoux possède une définition bien claire de son art : questionner notre époque et la traduire dans un monde sonore. Il lui semble alors primordial de traiter des sujets d’actualités, proches de ce que nous sommes en tant qu’être humain de notre temps. C’est dans les textes des auteurs contemporains que Lionel Ginoux trouve une façon nouvelle de questionner et dévoiler l’humain. C’est dans un genre tout particulier et qu’il affectionne, l’opéra de chambre, que le compositeur réussit le mieux à traduire l’essentiel de sa lecture.

Vanda (R) Jimmy VallentinCe soir, l’Opéra Grand Avignon propose le second opéra de chambre de Lionel Ginoux, Vanda, adapté de la pièce de théâtre de Jean-Pierre Siméon Le Testament de Vanda (2009) et créé en 2015 en version de concert à l’Abbaye royale de Fontevraud. Guerre, amour violemment perdu, viol, errance, misère… Il est difficile de résumer la terrible vie de Vanda, qui se retrouve enfermée en maison de rétention avec son tout jeune enfant. Elle lui raconte alors ses souffrances et ses hontes, qu’elle refuse de lui léguer. C’est alors dans un ultime geste de tendresse qu’elle abandonne son enfant, ne lui laissant en héritage qu’un misérable caillou et le prénom de Belette. Après avoir offert ce seul mais allégé héritage que Vanda s’abandonne au seul avenir qui lui reste : la mort.

La représentation de ce soir prend place dans l’ancien et haut réfectoire des chartreux de Villeneuve-lès-Avignon, aménagé en belle salle de théâtre. Ce cadre est idéal pour le format intimiste de l’opéra de chambre. Vanda est seule au milieu sur scène, incarnée par la jeune mezzo-soprano Ambroisine Ambré. Par sa voix sonore, sa présence rayonnante et sa sincérité, elle captive et réussit à communiquer les blessures de cette femme sans cesse rejetée.

Elle est accompagnée en parfaite osmose de la viole de gambe à sept cordes de Marie-Suzanne de Loye. L’utilisation de cet instrument baroque sublime, par son timbre intimiste et profondément moelleux, la tendresse et la simplicité du personnage. Aimant mêler tradition et modernité, Lionel Ginoux utilise aussi l’électronique pour créer le liant de son œuvre en un seul acte. L’apparent anachronise entre la viole de gambe et l’électronique – composé avec des outils de musique pop – créé un temps musical homogène paradoxalement intemporel, universel. Les contrastes ainsi produits offrent une palette d’expressivités au service du texte de Jean-Pierre Siméon.

Cette expressivité est également magnifiée par la mise en scène de Nadine Duffaut. Toujours extrêmement attentive au texte et à la musique, elle met en œuvre sa simplicité et son intelligence pour donner sens à l’interprétation de la chanteuse. Celle-ci évolue essentiellement dans un carré entouré d’une lumière bleue. Quelques clefs de compréhension sont présentées aux spectateurs par la projection sur le mur de fond de films d’actualités, telles des images de la jungle de Calais. L’œuvre confronte ainsi de manière très explicite et directe les spectateurs. Ambroisine Ambré va jusque mendier auprès d’eux pour mettre en évidence la honte de la misère et de l’ignorance.

Lorsque l’œuvre se termine, le public, entièrement immergé dans cette pesante histoire, prend un temps de silence pour reposer la tension émotionnelle accumulée pendant cette unique heure. Il ose ensuite applaudir les artistes pour ce temps musical intense pour lequel personne n’a pu rester insensible.