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Joyeux Barbier de Séville par Pierre-Emmanuel Rousseau à l’Opéra de Saint-Etienne

Joyeux Barbier de Séville par Pierre-Emmanuel Rousseau à l’Opéra de Saint-Etienne - 29/12/18

La tournée de la pétillante mise en scène du Barbier de Séville par Pierre-Emmanuel Rousseau fête la fin de l’année à l’Opéra de Saint-Etienne, avec un jeune  et talentueux plateau vocal.

Après avoir enchanté l’Opéra du Rhin en octobre dernier, la production du Barbiere di Sevilla du metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau régale le public stéphanois pour les fêtes. Pour sa lecture de l’œuvre de Gioacchino Rossini (1792-1868), créée le 20 février 1816 au Teatro Argentina de Rome, le metteur en scène cherche à placer le spectateur dans le réalisme contextuel de la création de la pièce de Beaumarchais, à partir de laquelle est composé le livret. En effet, Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile (1775) est une critique acerbe de la société, particulièrement la dominance illégitime des « grands ». C’est ainsi que le jeune Comte Almaviva et la belle Rosina, ainsi que le coquin Figaro, évoluent dans un monde vieillissant, mourant d’ennui. Les vieux valets du docteur Bartolo en tomberaient de leur chaise. L’unique décor est intelligemment pensé : à la fois intérieur et extérieur, il évoque au premier coup d’œil trois espaces distincts tout en y apportant que de légers arrangements et accessoires : d’abord la place sous le balcon de Bartolo, puis un élégant patio et enfin le grand salon. L’action s’y déroule avec un rythme en accord avec la vive et légère musique de Rossini, avec notamment des ensembles dansés qui pourraient faire penser aux ensembles vocaux d’opérettes, participant assurément au comique de l’oeuvre même si certains pourraient se questionner quant à leur réelle justification.

Cette légèreté n’empêche toutefois pas que l’opéra de Rossini requiert une grande exigence vocale, dont le jeune plateau vocal peut se vanter d’y répondre avec talent. La juvénile Rosina est interprétée par la mezzo-soprano Reut Ventorero, avec tout le caractère et l’insolence de son charmant personnage. Elle séduit dès son premier air « Una voce poco fa » (Acte I, tableau 2), avec un timbre lumineux et une technique sûre offrant de beaux passages vocalisés. Etonnamment, si l’on ne peut rien lui reprocher dans ses airs, sa voix manque de puissance lors des récitatifs. Figaro est un véritable mauvais garçon avec le jeu du baryton Daniele Terenzi. Ce superbe rôle nécessite autant de qualités de comédien que de chanteur, ce qu’il réunit sans soucis. Son timbre narquois est aisément projeté en tout moment, avec clarté et assurance. Le rôle de l’aventureux et séduisant Comte Almaviva est confié au ténor Matteo Roma, jeune premier aux aigus héroïques. Bien qu’il s’en sorte vaillamment, le jeune italien peut encore gagner en assurance, autant dans son chant que sur scène. D’ailleurs, ses rapides regards en direction du chef lors du premier acte le trahissent. L’autoritaire et paranoïaque Bartolo est chanté par le baryton Frédéric Goncalves, dont on savoure la présence vocale et scénique, profonde et sûre. Il est toutefois fort dommage qu’il montre des signes de fatigue lors de son air « A un dottor della mia sorte » (A un docteur de mon espèce – Acte I, scène 14), vers la fin du premier acte, les vocalises étant un peu savonneuses et les décalages avec l’orchestre systématiques dans les passages les plus rapides. Le vilain Basilio, incarné par la basse Vincent Le Texier. Ses gestes sont volontairement exagérés pour dépeindre ce personnage hideux et très vénal, davantage maître des calomnies et des effets spectaculaires que de musique. Son timbre charnu et sombre sied parfaitement à son personnage. Il est toujours étonnant de découvrir lors du second acte les talents insoupçonnés de l’interprète de la femme de chambre Berta, ici la mezzo-soprano Svetlana Lifar, pourtant presque omniprésente, lors de multiples apparitions en tant que simple figurante depuis le début de l’opéra. Avec son unique air « Il vecchiotto cerca moglie » (acte II), elle démontre de belles qualités vocales, un timbre très agréable et homogène, avec une projection maîtrisée.

Les hommes du Chœur lyrique Saint-Etienne Loire sont bien préparés par Laurent Touche, bien que l’on souhaite encore un peu plus de précision dans leur diction. Leurs interventions scéniques sont plaisantes, notamment leur jeu de capes aux doublures colorées, même si, encore une fois, la précision et l’ensemble peuvent être encore améliorés. Dans la fosse, l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire accompagne agréablement les voix avec un juste équilibre. Lors des ouvertures et interludes instrumentaux, les basses trop discrètes empêchent très certainement à l’ensemble de gagner en ampleur. On peut également regretter que les quelques interventions des cuivres manquent d’assurance et ainsi de clarté. Toute la pétillante musique rossinienne est assurément insufflée par la fougue et la jeunesse du chef Michele Spotti. Les tempi ambitieux sont néanmoins parfois dangereux, surtout lors des ensembles où les décalages ne sont pas rares. On l’a vu avec l’air de Bartolo, le chef n’est pas forcément très tendre avec les chanteurs lors de leurs airs s’ils se montrent en désaccord à cause de la difficulté de leur partie, qui ne manque toutefois aucunement de panache !