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Edito des Pensées Musicales n°3

Le Roi est mort...

Le Roi est mort, mais sa musique perdure. Le mois dernier [septembre 2015], nous commémorions le tricentenaire de la mort de Louis XIV. Ce fut l'occasion d'entendre cet été, et jusqu’à la fin de l'année, les œuvres majestueuses de Lully, Couperin, Charpentier, Marais... La musique baroque, déjà très à la mode depuis quelques années, a trouvé un superbe filon pour inviter le grand public.

C'est un rituel typiquement français, et nos voisins étrangers se moquent certainement bien de nous : nous fêtons la mort d'une personnalité. D'ailleurs, nous célébrerons cette année aussi les trois cents ans de mort de Shakespeare. Pourquoi pas ?!

Mais que fêtons-nous au juste ? La République se réjouirait-elle ostentatoirement de la disparition du totalitarisme personnifié ? Malheureusement, Louis Le Grand ne fut pas le dernier despote - nous pensons particulièrement à un autre dit Le Grand et à son neveu que l’auteur des Misérables qualifiait de Petit. Certes, bien qu'il était roi, nous fêtons un intelligent administrateur, subtil politique et grand mécène dont nombre de ces décisions font encore aujourd'hui la gloire de la France.

Aujourd'hui, nous fêtons le souvenir des gloires d’hier. Demain, que fêterons-nous d'aujourd'hui ?

C'est la crise. Cela fait plusieurs années que l’on entend cette fatalité. Malheureusement, cette rengaine lassante n'est pas qu'une excuse, elle est une réalité que nous vivons quotidiennement, de loin ou de proche. Crise économique, crise financière, crise politique, crise humanitaire, crise culturelle... Comme l'irresponsabilité humaine ne suffit pas, rajoutons les épidémies, les catastrophes naturelles... Cette année 2015 ne pourrait être plus déprimante et angoissante quant à la suite de ce XXIe siècle.

Pourtant, chaque siècle connaît sa période de crises, son heure remplies de peurs - dont seuls les extrêmes et des élites inaccessibles ont toujours su en profiter. Certains historiens prétendent même que l'année XV de chaque siècle est un véritable évènement historique, marquant véritablement le début du nouveau siècle. Nous ne discuterons pas de cette théorie tout aussi intéressante que discutable ; toutefois, elle nous fait poser d'importantes questions : "Saurons-nous, comme nos ancêtres, faire face aux défis du futur, de notre futur ? (...) Saurons-nous trouver en nous les réserves de courage, la capacité d'invention, le potentiel d'adaptation et l’esprit d'aventure, sans lesquels il n'est pas d'avenir ? En un mot, serons-nous capables de jeter les bases d'un nouvel humanisme ?"[1]

Certains d’entre nous sommes artistes ; nous sommes tous citoyens et humains. Nous sommes responsables.

Au début du siècle dernier, des compositeurs modernes russes ont cherché un nouveau langage, proche du siècle naissant qui s’ouvrait à eux après la chute du Tsar et la création du nouveau système communiste stalinien. Ils n'ont pas cherché la gloire - d'ailleurs ils ont été humiliés et nous les avons oublié. Pourtant, au-delà des questions esthétiques et philosophiques, je pense qu'ils ont su faire preuve de responsabilité face à leur temps.

Je vous invite à prendre exemple du passé, des géniaux compositeurs et talentueux interprètes d'hier. Apprenons les origines et le fonctionnement de nos instruments, de nos orchestres. Créons ensemble des ponts entre tous les hommes, rapprochons-nous de ceux qui ignorent. Et nous, ignorants aussi, retrouvons la curiosité de notre enfance.

Demain ne peut pas nous faire peur : c’est une formidable aventure dont nous sommes les meilleurs acteurs ! Me rejoindriez-vous à relever les défis d'aujourd'hui ?

 

[1] LECHERBONNIER (Bernard) et COSSERON (Serge), La Fatalité de l'an XV, coll."Histoire", Paris : Editions de l'Archipel, 2014, 300p.