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All you need is Bach / Jean-Sébastien Bach, Cameron Carpenter

Le 11/04/2023

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Quand on voit d'abord le look de ce jeune organiste, aux allures punk et souvent habillé de manière aussi élégante qu'unique, on est d'abord intrigué. Quoique sur la couverture de son deuxième enregistrement, il paraisse assez sage, vêtu d'un smoking, debout sur le pédalier de son orgue.

Car sa première grande originalité est d'avoir son propre instrument : comme le violoniste possède un instrument qui est le sien, qu'il a parfois expressément commandé auprès d'un luthier, et avec lequel il construit une véritable relation, Cameron Carpenter a passé commande au facteur d'orgue Marshall & Ogletree. Entièrement électrique, cet orgue le suit partout où il part en tournée et offre, grâce à ses ordinateurs, une infinité de jeux et d'expériences sonores. C’est grâce à cette technologie que le musicien se propose de redécouvrir les couleurs perdues des différents tempéraments des tonalités – avant que le clavier bien tempéré ne vienne simplifier les accords. L’oreille s’étonne mais s’y fait très bien, les œuvres retrouvant comme leur première jeunesse ; cette jeunesse qui surprenait les auditeurs de Leipzig et qui interloque finalement toujours.

On est ainsi frappé, dès les premières mesures du Contrapunctus 9 de l'Art de la fugue BWV 1080 de l'étonnante et fascinante richesse de la palette de timbres que propose l'organiste. Il use également sans retenue d'une boîte expressive (qui paraît presque multiple !). Si le procédé n'apparaît qu'à l'époque romantique, Carpenter l'utilise de façon si magistrale et particulièrement justement expressive que l'on se prendrait à lui pardonner volontiers cet anachronisme. C'est ainsi qu'il joue des couleurs et des nuances tel un chef tout puissant avec un orchestre qui suivrait la moindre de ses pensées, toujours surprenantes voire imprévisibles.

Certains disent que Cameron Carpenter est un révolutionnaire. Si cela est sans doute vrai, il faut reconnaître que pour casser des codes, il faut d’abord les connaître. Le jeune organiste démontre une connaissance profonde et même experte des codes – sans doute stéréotypés – admis courant XXe siècle. Il est aussi maître indéniable des règles qui font le génie de J.S. Bach. Ces règles, Cameron Carpenter ne les détruit aucunement ; il les modèle selon sa propre sensibilité et ses propres envies. Il offre ainsi une interprétation à la fois extrêmement personnelle et néanmoins dans la continuité parfaite du geste créateur de Bach, personnalité elle-même peu enclin au respect aveugle des façons de faire uniques et figées. Si l’on est alors surpris ou fasciné, on peut même être complétement ému. Carpenter est peut-être un athée revendiqué, il semble avoir tout compris de la puissante éloquence du prélude du choral O Mensch, bewein dein’ Sünde groβ BWV 622, absolument bouleversant.

Cameron Carpenter est sans aucun doute une Rock star qu’il faut admirer en concert ; il démontre ici qu’il est tout autant époustouflant sans exubérance, parfaitement capable d’un équilibre sensible et rigoureux de l’interprétation de Bach.

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